lundi 9 juin 2014

Promouvoir l'allaitement ou «Comment angoisser une future mère»

Avant de tomber enceinte, la maternité ne m'angoissait pas outre mesure. Je sentais le besoin de bien m'y préparer, de m'informer au plus grand nombre de sources possible et aux plus de sujets possible et tout le tralala, mais je n'ai jamais eu l'impression que c'était hors de ma portée.

Et je suis tombée enceinte. C'était voulu et planifié. On était prêts, on venait de finir nos études, de s'acheter une maison dans un charmant village, Papa Hibou avait réussi à obtenir un emploi de rêve dont la stabilité et la rentabilité pouvaient compenser pour les débuts plus qu'instables d'une jeune diplômée en enseignement essayant de se placer dans une commission scolaire qui n'était pas prête à la recevoir. Bref, c'était le moment.

Tout allait bien jusqu'à ce que je réalise la pression mise sur les femmes pour qu'elles allaitent. Loin d'être contre l'allaitement, j'ai toujours eu cette idée selon laquelle c'était la «chose à faire» et je ne m'étais jamais vraiment interrogée outre-mesure, et il ne m'étais jamais venue à l'esprit que je ne pourrais physiquement le faire.

Deux amies proches n'ont pas pu allaiter pour X raison. L'une d'entre elles a vécu un réel calvaire avec le personnel médical après son accouchement dont l'insistance tant sur elle que sur son nouveau-né «pour que ça fonctionne» l'ont menée direct à des blessures pas cool et à un traumatisme faisant en sorte que cette région est désormais une «zone interdite». Quand elle m'a conté son histoire, je me suis jurée de ne pas vivre la même chose et de me tourner vers le biberon si ça devenait invivable.

Et j'ai un gros défaut dans la vie. Je fais trop confiance aux personnes qui ont des connaissances dans un domaine que je maîtrise peu ou pas du tout. Et pour rajouter à ça, j'ai la ferme conviction que le personnel médical est là pour nous aider sans porter de jugements, qu'on doit tout leur confier sans gêne. C'est donc tout naturellement que, lorsque l'infirmière du CLSC en charge de mon dossier m'a demandé si j'avais l'intention d'allaiter, j'ai répondu que oui MAIS (et c'est là où j'aurais dû me taire) que je n'avais pas l'intention de m'acharner longtemps si jamais ça ne fonctionnait pas.

Pis là, j'ai eu droit à un discours moralisateur sur l'allaitement alors que j'étais déjà convaincue de ses bienfaits. On m'a rabattue les oreilles sur le fait que toutes les femmes étaient capables d'allaiter (euh... non!), on m'a donné une liste des avantages du lait maternel et des inconvénients du biberon pour que je sois en mesure de faire un choix éclairé (c'est moi ou il me manque des informations?) et on a écarté mes doutes du revers de la main au lieu de les écouter et de m'informer réellement pour me rassurer. Je suis ressortie de là avec la ferme impression que si jamais j'éprouvais des difficultés à allaiter, j'allais automatiquement être étiquetée comme une mauvaise mère. Et là, j'en ai fait une obsession. Vraiment.

J'ai acheté un livre sur l'allaitement, j'ai lu énormément sur le net, je me suis inscrite dans des groupes de soutient à l'allaitement sur Facebook et dans un organisme régional qui nous jumelle avec une maman allaitante à qui on peut se référer en cas de besoin. J'ai suivi des cours prénataux, j'ai assisté à une rencontre sur l'allaitement, etc. Le sujet était devenu sensible au point que les larmes me montaient aux yeux dès qu'il était abordé (gardez vos jokes plates sur les hormones).

La seule chose qui m'a rassurée, c'est quand je me suis rendue compte que je perdais des gouttes de lait et que j'ai réalisé que j'étais capable de produire cette nourriture si «parfaite» pour mon bébé à naître. Mais je suis restée amère envers le traitement que j'ai eu au CLSC puisque la même discussion a eu lieu à chacun de mes rendez-vous. J'ai même fait une plainte officielle parce que vraiment, c'est trop.

Pis là, j'achève ma grossesse avec la ferme intention de mettre mon infirmière à la porte lorsqu'elle viendra à la maison après mon accouchement. J'en ai eu pour des mois à me rassurer moi-même sur ma capacité à allaiter suite à une angoisse qu'elle a elle-même semé, il est hors de question qu'elle me regarde allaiter et qu'elle décide si je fais ça comme du monde ou non. Mon autre gros défaut dans la vie, c'est d'être super rancunière.

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